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The Pan African Music Magazine
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Arkology, Lee Scratch Perry

PAM vous propose de redécouvrir des disques incontournables. Aujourd’hui, le coffret Arkology du sorcier Lee Scratch Perry (Island / Universal).

Sans lui, la musique mondiale ne serait pas tout à fait la même. Lee Perry a sans aucun doute été l’un des inventeurs du reggae, l’un des influenceurs du hip-hop, l’un des géniteurs du remix, parmi les nombreux faits d’armes de ce gourou de l’afro futurisme. Ici, on retrouve le maître du dub jamaïcain aux multiples surnoms (Little King, Pipecock Jakxson, The Upsetter, Super Ape, Dub Shepperd, Kojak, Kimble the Nimble…), qui apprit le métier aux côtés de l’immense producteur Coxsone, au sommet de son art : ce coffret publié en 1997 sous logo Island (on ne s’expliquera jamais pourquoi la multinationale Universal qui en prit le contrôle aura choisi d’affadir cette marque de référence ultime !) compile les titres enregistrés à partir de 1975 dans son studio Black Ark, baptisé ainsi en référence à l’Arche d’Alliance de Moïse. 

Pas moins de trois disques, divisés sous trois chapitres (Dub Organiser, Dub Shepherd, Dub Adventurer), pour une somme de faces qui vont changer l’histoire de la musique de l’île. On y retrouve plus d’un classique tel le prophétique « War Ina Babylon » de Max Romeo, le visionnaire « Police & Thieves » de Junior Murvin, le magnétique « Congo Man » des Congos, le « Dread At The Control«  avec l’atypique voix de Mikey Dread, l’emblématique « Groovy Situation » qui confirme tout ce que le reggae doit à la soul, et bien entendu une palanquée de titres gravés par le maître de céans avec les Upsetters, dont le fondateur Dub Revolution (une voix d’outre-tombe qui s’élève, une basse qui plonge dans les graves, une guitare qui accentue avec doigté) pour commencer du bon pied. Sans oublier, pour combler les plus férus des amateurs, une poignée de versions alternatives et autres mix… Le tout boosté par une équipe superlative : Boris Gardiner, Robbie Shakespeare, Lowell « Sly » Dunbar, Earl « Chinna » Smith, Ernest Ranglin, Keith Sterling, Richard « Dirty Harry » Hall… et ainsi de suite. Les connaisseurs apprécieront à sa juste valeur ce casting, qui en dit déjà beaucoup de cette sélection.

Au-delà des chiffres et des noms, que nous apprend tout ceci ? Que derrière les manettes, sous ses airs total out of space (tel un Sun Ra tropicalisé), se trouve «un très bon producteur pour tout ce qui relève du domaine de l’impossible», selon le pianiste Theophilius Beckford. Moins de deux ans après avoir posé Blackboard Jungle, un album révolutionnaire enregistré avec son cadet et alter ego King Tubby, lorsqu’il s’installe aux commandes de son Black Ark Studio, le Jamaïcain désormais confiné dans les Alpages suisses va pouvoir éprouver toutes ces qualités de metteur en sons, une capacité hors-norme à sublimer les limites techniques de son matériel, un simple quatre pistes. Sa méthode ? Un bricolage fait main qui consistait à copier et coller de façon analogique les pistes sur un autre magnéto afin de pouvoir démultiplier les pistes, non sans une déperdition qui fait tout le singulier grain de cette affaire. Entre 1975 et 1979, les distorsions, saturations et autres « fausses » manipulations qu’un adepte de Protools se chargerait de corriger en un tournemain vont générer des sons surnaturels dans ce minuscule studio habité de tant de vibrations, dans une ambiance limite vaudou selon certains témoins. Jusqu’à ce que le Mad Man, pour paraphraser un autre de ses classiques, choisisse de brûler ce sanctuaire dont l’écho, quarante ans plus tard, nous confirme la magie du son et les pouvoirs de ce sourcier. 

Lire ensuite : Rainford, le Nouveau Testament du Dali du dub

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